Un cœur lumineux traverse les ténèbres sans crainte

Méfiez-vous, dit Jésus à ses disciples – il s’adresse aussi à nous ce matin – le levain des pharisiens est celui de leur hypocrisie.
Dans le monde juif de l’époque, les rabbins utilisaient l’image du levain pour parler de corruption. Christ reprend la même comparaison pour parler des difficultés qu’il rencontre avec ses adversaires qui cherchent à lui tendre des pièges en disqualifiant sa parole.
Les disciples associent le levain au pain, pour être préoccupés par le fait qu’ils ont peur d’en manquer.
Quel quiproquo entre Jésus et ses auditeurs, fussent-ils proches !
Aussi pour les rejoindre sur leur terrain, Jésus oriente la Parole vers un bouleversant inattendu avec des chiffres :
dans l’évangile de Marc, il leur demande : que reste-t-il après la multiplication des pains : sept corbeilles et douze poissons, mais alors ce petit reste que signifie-t-il ?
dans l’évangile de Luc, il leur précise qu’ils n’ont rien à craindre, les cheveux de leurs têtes ne sont-ils pas tous comptés, leur rappelant qu’ils valent plus qu’une multitude de moineaux.
Le pain de vie ne manquera jamais aux cœurs lézardés par l’espérance, qui peuvent s’écrier comme les disciples sur leur chemin d’Emmaüs « reste avec nous, il se fait tard ».
La fraction du pain est alors la fraction d’une éternité partagée.
Il est de ces nourritures qui nous font découvrir le vrai manque. Que reste-t-il alors ? l’inouï d’une montée dans nos vies que Péguy exprime magnifiquement, disant qu’il y a un double recrutement des saints dans le ciel, ceux qui n’ont pas fait jouer l’espérance et ceux qui ont fait jouer l’espérance. Ceux dont on n’a jamais rien craint de sérieux et ceux qui ont failli désespérer.
Reste avec nous Seigneur. Avec toi il n’est pas si grave de parfois désespérer pour découvrir que ce temps est aussi celui qui nous change, pour devenir moins sûrs, mais plus aimants, plus humains.
Oui, le levain que tu nous offres, Seigneur, ne serait-il pas le ciel, une grandeur en croissance pour reprendre les mots du grand théologien Karl Rahner.
Entendons le ciel comme le cœur, suivant la belle expression de Maurice Zundel.
Oui, le royaume du cœur est celui du levain. Lève-toi, marche, viens à ma suite, dit le Christ.
Tout s’ouvre, nos tombeaux ne nous enfermeront pas, notre pâte humaine est marquée à jamais par le levain de l’Amour.

« Méfiez-vous du levain des pharisiens. »
Les disciples sont, ici, les bénéficiaires de l’enseignement de Jésus. Il les appelle ses amis. Ce qui veut dire qu’Il est dans un cœur à cœur avec eux. Il les invite à la sincérité et à la transparence. « Tout ce qui est couvert d’un voile sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu. Aussi tout ce que vous aurez dit dans les ténèbres sera entendu en pleine lumière, ce que vous aurez dit à l’oreille dans le fond de la maison sera proclamé sur les toits. »
Alors que les pharisiens viennent à Lui pour Le harceler, Le traquer, alors qu’ils viennent par hypocrisie, la foule, par milliers, vient au Seigneur pour étancher plutôt sa soif de la Parole de Dieu et assouvir sa faim de la Miséricorde divine. Nous avons à nous débarrasser de toute duplicité dans notre relation à Dieu. Il ne nous servirait à rien de jouer aux fidèles du Christ alors qu’en réalité, nos cœurs sont loin de Lui. Il en est, qui, aux yeux de tous, participent aux activités et aux œuvres de l’Église. Mais, leurs prises de positions dans certains cercles, les conseils qu’ils prodiguent, leurs comportements, loin des regards, sont en total opposition à Dieu.
En intégrant cette vérité que rien ne restera caché pour toujours, nous nous efforcerons de vivre dans la transparence et la sérénité du cœur. Ce que Jésus a ainsi prédit se réalise encore aujourd’hui. Sur les réseaux sociaux, particulièrement, rien n’a plus un caractère privé ! Il n’y a plus de vie privée… À nous de savoir nous exprimer et de savoir agir en conséquence.
Le cœur lumineux traverse les ténèbres sans crainte.
Es-tu disposé(e) à renoncer à tes masques ?

« Méfiez-vous du levain des pharisiens. »
Ce qui conduit à cette duplicité, c’est la mauvaise crainte, c’est-à-dire la peur : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, et après cela ne peuvent rien faire de plus. Je vais vous montrer qui vous devez craindre : craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir d’envoyer dans la géhenne. Oui, je vous le dis : c’est celui-là que vous devez craindre. »
Celui qui doit mobiliser toute notre attention, c’est Celui qui tient en main notre destinée. Il y a là une question de discernement : savoir nous préoccuper de l’essentiel. Nous sommes très soucieux des regards extérieurs au point de négliger le regard intérieur. Nous subissons la tyrannie des apparences.
L’éternité ne peut être sacrifiée sur l’autel de l’éphémère.
Quel prix donnes-tu à ton âme ?

« Méfiez-vous du levain des pharisiens. »
Jésus révèle quelque chose de la profondeur de l’Amour de Dieu pour ses créatures : « Est-ce que l’on ne vend pas cinq moineaux pour deux sous. Or pas un seul n’est oublié au regard de Dieu. À plus forte raison les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez sans crainte : vous valez plus qu’une multitude de moineaux. »
Alors que nous sommes obnubilés par les regards interrogateurs, intrigants, soupçonneux, courtisans, manipulateurs et accusateurs qui nous entourent, le Seigneur nous invite à contempler le regard d’Amour de Dieu. Il n’est point inquisiteur mais prévenant. Tout est précieux en nous aux yeux du Dieu d’Amour comme pour l’amoureux qui s’émerveille de l’être aimé.
Dieu n’est pas l’adversaire.
Que redoutes-tu dans le regard de Dieu ? Et pourquoi ?

Seigneur, je T’ai coûté ta Vie ! Merci.