Qui est Jésus pour toi ?…

Jean se sentait revigoré après sa retraite spirituelle où l’accent avait été mis sur l’évangélisation. Il avait hâte de passer aux travaux pratiques. Après un moment de prière, il décida de passer à l’action. Un zest de tristesse et de crainte restait en lui. Pourquoi si peu de personnes avaient-elles une relation personnelle avec Jésus ? Comment leur partager ce qu’il vivait ? leur témoigner de la joie qui l’habitait ? Non, il ne pouvait pas garder cela pour lui seul, il fallait qu’il sorte et qu’il partage ce qui bouillonnait en lui. Il marcha dans la rue, bien décidé à faire des disciples.

Le premier contact fut plutôt rugueux. Un homme d’une cinquantaine d’années, un peu râblé, des lunettes noires sur le front marchait dans sa direction. Jean leva la main et lui dit avec un grand sourire :

  • Excusez-moi, Monsieur, connaissez-vous Jésus ?

L’homme marqua un temps d’arrêt, le fixa, remonta ses lunettes sur son front et lui répondit d’une voix sèche :

  • Tu es qui toi ? je t’en pose des questions, moi ? alors lâche moi les baskets et va ta vie …

Puis il reprit sa marche. Jean fût surpris par le ton agressif de sa réaction. Le temps qu’il remette de l’ordre dans ses pensées, l’homme était déjà loin.

Ça commençait bien … Je devrais plutôt essayer avec une jeune femme de mon âge, se dit Jean. Entre jeunes, on se comprend mieux et puis les femmes sont moins agressives. Il continua sa marche. Peu à peu, le choc du premier contact s’estompait. Oui, mais elles marchaient toutes avec leur smartphone collé à l’oreille. Jean pensa que ce serait impoli de les aborder dans ces conditions. Mieux valait mettre toutes les chances de son côté et attendre une occasion favorable.

Quand il arriva à l’arrêt de bus, une jeune femme était assise sur le banc, le regard dans le vague. Jean s’assit à côté d’elle, assez loin pour ne pas la troubler, se racla la gorge et lui posa la question :

  •  Excusez-moi, Madame, connaissez-vous Jésus ?

Elle mit quelques secondes avant de tourner la tête vers lui avant de l’apostropher :

  • Non, mais allo quoi ! c’est ton nouveau plan de drague ? t’es dérangé ou quoi ?  Et qu’est-ce que ça peut bien te foutre que je le connaisse ou pas ? t’es de la police religieuse ? ….

Le bus arrivait et elle se leva. En montant à bord, elle lui jeta encore :

  • T’es malade, toi, va te faire soigner !

Et de deux ! ça ne se passait pas du tout comme il l’avait imaginé.

Il était près d’abandonner, quand il vit une vieille dame assise sur un banc en train de nourrir les pigeons. Il alla vers elle, se fraya un chemin à travers les pigeons, se courba pour se mettre à son niveau, et avec un grand sourire lui posa la même question :

  • Excusez-moi, Madame, connaissez-vous Jésus ?

Elle garda la tête baissée un long moment, la releva lentement et le fixa de ses yeux gris, emplis d’une tristesse infinie. Sans un mot, pendant un long moment. Jean se sentit mal à l’aise, pensa qu’elle n’avait peut-être pas compris ou qu’elle était sourde. Il répéta sa question.

La femme ouvrit la bouche. Sa voix était faible, caverneuse, sans élan vital, comme éteinte :

  • Vous savez jeune homme, si vous aviez connu les malheurs que j’ai vécu, vous ne viendriez pas me parler de Dieu. Toute ma famille a été déportée à Auschwitz. Ils sont tous morts là- bas. Il était où votre Dieu quand 6 millions de Juifs sont morts ? quand des millions de Cambodgiens ont disparu sous le régime de Pol Pot ? quand….

Décidément, rien ne se passait comme prévu. Mais au moins, il n’avait pas été rejeté. Il écouta avec beaucoup de compassion la longue liste de complaintes de cette dame âgée et quand elle eut fini, il lui dit avec beaucoup de douceur et de respect :

  • Je comprends votre douleur et votre ressentiment, Madame. Vous savez ce n’est pas Dieu qui a commis tous ces crimes. Il a laissé faire, c’est vrai, et ça reste un mystère. Mais il a créé l’homme libre, à son image, et c’est l’homme qui a rejeté Dieu pour vivre à sa guise, refusant toute contrainte. Ça a commencé à déraper au jardin d’Eden, et depuis l’homme suit ses pulsions même les plus bestiales, et il en résulte toutes les atrocités que vous avez citées.

La vieille femme continuait à émietter son pain pour les pigeons, sans rien dire. Son esprit était ailleurs. Sans doute dans les brumes matinales à l’arrivée des wagons à bestiaux à Auschwitz ou ailleurs… Jean respecta sa douleur et son silence et rentra chez lui. Il reconnaissait que rien ne s’était passé comme il l’avait souhaité et se promit d’en parler à Louis, son guide spirituel, à la première occasion.

Louis lui avait donné rendez-vous au parc municipal. Quand Jean arriva, il lisait la bible, posée sur ses genoux. Jean le salua, s’assit à côté de lui et lui raconta dans le détail ses tentatives ratées d’annoncer Jésus. Louis l’écouta sans l’interrompre et le regarda avec bienveillance, puis il lui dit :

  • Tu as jeté des perles aux pourceaux…
  • Tu veux dire qu’ils étaient trop éloignés de la foi ? qu’ils n’en valaient pas la peine ? Mais Jésus est venu pour les exclus, chercher et sauver ceux qui étaient perdus, je ne comprends pas…
  • Oui, mais avant d’annoncer la bonne nouvelle, Jésus se préoccupait d’abord de la personne, créait un lien et s’assurait que son message serait reçu…rappelle-toi ses paroles. Il a dit aux aveugles avant de les guérir : « croyez-vous que je puisse faire cela ? » Ou au paralytique à la piscine de Bethesda : « veux-tu guérir ? » Il ne les aurait pas guéris s’ils avaient dit non. Il nous faut vouloir être guéri et aussi vouloir être sauvé.
  • Alors comment aurais-je du m’y prendre ?
  • Il y avait trop de distance entre eux et toi au moment où tu leur as parlé de Jésus. Tu as agi trop brutalement. Ton intention était bonne, mais les gens ne sont pas des machines à recevoir. Il ne faut pas leur donner ce dont ils n’éprouvent pas encore le besoin.
  • Alors ça ne sert à rien d’évangéliser dans la rue ?
  • Il faut faire preuve de discernement, savoir à qui l’on parle. Ecouter d’abord la personne, éveiller sa curiosité, faire désirer l’Evangile plutôt que de le prêcher brutalement…encore une fois, prend le modèle sur Jésus : il était en non-distance avec les malades qu’il guérissait. La guérison était commune à lui et au malade, elle était communion entre les deux. C’est à ce stade-là qu’il faut parvenir.
  • Je vois, je brûlais trop du désir de partager ma foi. J’ai voulu être le sauveur de tous, j’ai manqué d’humilité.
  • C’est ça, tu es sur le bon chemin…la bonne attitude n’est pas d’arriver avec nos richesses spirituelles, d’écraser les autres avec nos certitudes ou nos perfections, mais de leur dire ce qu’il y a de bon et de beau en eux, de leur montrer le chemin vers Jésus pour qu’ils soient libérés du péché et deviennent acteurs de leur vie. Cela prend du temps, il faut être patient et rester à l’écoute de l’Esprit, c’est Lui qui doit nous donner le tempo. Prends l’image du paysan qui sème du blé et qui attend patiemment que la plante croisse avant de la récolter : il ne lui tire pas dessus tous les jours pour la faire pousser plus vite.

Les jours suivants, Jean médita les paroles de Louis qui étaient restées gravées dans son esprit. Agir comme Jésus. Prendre le temps d’écouter. Être patient. Créer un lien, donner envie, agir avec douceur et discernement…plus facile à dire qu’à faire, mais il était plein de bonne volonté.

Une occasion se présenta quelques semaines après autour de la machine à café. Jean travaillait dans la filiale d’une Société Suédoise et la pause-café était une véritable institution : un mug toutes les deux heures. C’était non seulement toléré, mais encouragé pour développer l’esprit d’équipe.

Ce jour-là, il se retrouva seul avec Anna. C’était une fille gaie, belle, extravertie, qui respirait la joie de vivre. Elle était venue de Suède en stage d’études pour apprendre le Français et elle était restée. Tous ses collègues la courtisaient dans l’espoir de l’accrocher un jour à leur trophée de drague. Mais lui se tenait à l’écart, un peu par timidité- elle l’impressionnait par sa beauté naturelle et son aisance- mais surtout par respect pour ses convictions. Ce matin-là, elle paraissait triste. Ce fût elle qui engagea la conversation :

  • Tu as fait quoi ce week-end ?
  • Hum…j’ai pris un temps à part, j’ai fait une retraite.
  • Une retraite ? c’est quoi ce truc ?
  • …un temps de partage, de réflexion, de prière…
  • Tu es croyant ?
  • Oui, dit Jean en rougissant.

Mais pourquoi se sentait-il tout à coup mal à l’aise ? il brûlait de parler de Jésus aux autres, et là, au pied du mur, il se sentait vide, sans force pour aller plus loin…il inspira profondément et lança vers le ciel une prière flash : « Jésus, aide-moi ! »…

Anna le dévisagea longuement, puis elle reprit :

  • Tu as de la chance de croire. Mes parents étaient Luthériens, j’ai fait l’école du Dimanche, mais j’ai l’impression que le ciel est vide, ou alors s’il y a un Dieu, il a trop de choses à faire pour s’occuper de nous…tu imagines, avec neuf milliards d’êtres humains sur terre !

 Avant de s’engouffrer dans la brèche, Jean se rappela les conseils de Louis : «la bonne attitude n’est pas d’arriver avec nos richesses spirituelles, d’écraser les autres avec nos certitudes ou nos perfections, mais de leur dire ce qu’il y a de bon et de beau en eux, de leur montrer le chemin vers Jésus pour qu’ils soient libérés du péché et deviennent acteurs de leur vie. »

Il commença par la questionner sur son enfance en Suède :

  • On n’a jamais trop eu l’occasion d’en parler, mais c’était comment ton enfance en Suède ?
  • Bof…mon père était chef d’entreprise. Il passait ses journées au travail et rentrait tard le soir après un passage au pub. Ma mère, lassée de l’attendre, est partie avec un homme de la chorale. J’ai été élevée par ma tante. Tu comprends mieux sans doute pourquoi j’ai voulu tout quitter et venir en France… Et toi ? Comment es-tu venu à la foi ?
  • Moi, je suis né dans un milieu très modeste, mais j’ai eu des parents croyants qui m’ont éduqué dans la religion… Aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours cru en Dieu. Mais je croyais dans un Dieu gendarme qui comptait les bonnes et les mauvaises actions, et le problème était que je ne savais jamais où en était mon solde, ça me créait beaucoup d’angoisse…et puis un jour, j’ai fait une rencontre personnelle avec Jésus…
  • Waouh ! …et tu l’as rencontré comme ça au détour d’un chemin ?
  • Pas vraiment…j’ai rencontré un jeune couple qui avait fait l’expérience de la pentecôte, du baptême dans l’Esprit Saint, et qui m’a raconté comment cela avait changé leur vie. Ils m’ont offert une Bible, et peu à peu, j’ai découvert moi aussi ce Jésus dont ils parlaient et j’en ai été transformé. Plus de peurs, plus d’angoisse, et la certitude de la vie éternelle…
  • Et je pourrais le rencontrer moi aussi ?
  • Bien sûr, il a dit : « je suis la porte, si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera, il sortira et il trouvera des pâturages » et aussi : « je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai et je souperai avec lui et lui avec moi… »

Anna le fixa longuement :

  • Je savais que tu étais différent des autres, maintenant je sais pourquoi. Moi aussi, je veux accueillir Jésus dans ma vie et connaitre la paix…

Ainsi fut fait.

 Le « hasard » de Dieu fit qu’ils se retrouvèrent seuls autour de la machine à café ce jour-là.

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