Ce texte tiré du livre du prophète Daniel est un texte fondamental. A la lumière de la révélation chrétienne, il est une louange de la Sainte Trinité, et il parle de la résurrection du Christ. Jean Paul II disait « Un souffle cosmique traverse ce cantique… que la Liturgie des heures propose pour les laudes » »cette étonnante prière … nous fait contempler dans le Christ ressuscité le sommet du dessein de Dieu sur le cosmos et sur l´histoire. Il a inspiré d’autres cantiques connus. Il est intéressant de le lire et de relire ce qu’en disait Jean Paul II au cours de deux audiences générales.
Le texte :
Trois enfants sont jetés dans une fournaise ardente car ils ont refusé d’adorer une idole, et le Seigneur les préserve miraculeusement des flammes, tandis qu’ils entonnent un cantique bénissant et glorifiant Dieu :
Vous êtes béni, Seigneur, Dieu de nos pères, digne d’être loué, glorifié et exalté à jamais. Béni est votre nom saint et glorieux, digne de suprême louange et exaltation à tout jamais.
Vous êtes béni dans le temple de votre sainte gloire, digne de suprême louange et gloire à jamais.
Vous élus béni sur le trône de votre royaume, digne de suprême louange et exaltation à jamais.
Vous êtes béni, vous dont le regard pénètre les abîmes, et qui êtes assis sur les Chérubins, digne de suprême louange et exaltation à jamais.
Vous êtes béni au firmament du ciel, digne de louange et de gloire à jamais.
Bénissez toutes le Seigneur, œuvres du Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Anges du Seigneur, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Cieux, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Eaux et tout ce qui est au-dessus des cieux, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Puissances du Seigneur, bénissez toutes le Seigneur; louez-le, et exaltez-le à jamais.
Soleil et lune, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Astres du ciel, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Pluies et rosées, bénissez toutes le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Vents que Dieu déchaîne, bénissez tous le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Feux et chaleurs, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Froid et chaleur, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Rosées et givres, bénissez le Seigneur louez-le et exaltez-le à jamais.
Gelées et frimas, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Glaces et neiges, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Nuits et jours, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Lumière et ténèbres, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Éclairs et sombres nuages, bénissez le Seigneur! louez-le et exaltez-le à jamais.
Que la terre bénisse le Seigneur; qu’elle le loue et l’exalte à jamais!
Montagnes et collines, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Plantes qui croissez sur la terre, bénissez toutes le Seigneur; Louez-le et exaltez-le à jamais.
Fontaines, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Mers et fleuves, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Monstres et tout ce qui s’agite dans les eaux, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Oiseaux du ciel, bénissez tous le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Bêtes sauvages et troupeaux, bénissez tous le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Enfants des hommes, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Qu’Israël bénisse le Seigneur; qu’il le loue et l’exalte à jamais!
Prêtres du Seigneur, bénissez le Seigneur; Louez-Ie et exaltez-le à jamais.
Serviteurs du Seigneur, bénissez le Seigneur louez-le et exaltez-le à jamais.
Esprits et âmes des justes, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Saints et humbles de cœur, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-le à jamais.
Ananias, Azarias et Misaël, bénissez le Seigneur; louez-le et exaltez-Ie à jamais. Car il nous à tirés du schéol, et délivrés de la puissance de la mort; il nous à sauvés du milieu de la fournaise de flamme brûlante, et tirés du milieu du feu.
Célébrez le Seigneur, car il est bon, car sa miséricorde dure à jamais.
Vous tous, hommes pieux, bénissez le Seigneur, le Dieu des dieux; louez-le et célébrez-le, car sa miséricorde dure à jamais.
AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II, Mercredi 19 février 2003
Chaque créature loue le Seigneur
1. « Alors tous trois, d’une seule voix, se mirent à chanter, glorifiant et bénissant Dieu dans la fournaise » (Dn 3, 51). Cette phrase introduit le célèbre Cantique dont nous venons d’entendre un passage fondamental. Il se trouve à l’intérieur du Livre de Daniel, dans la partie qui ne nous est parvenue qu’en langue grecque, et il est entonné par des témoins courageux de la foi, qui n’ont pas voulu se plier à l’adoration de la statue du roi et qui ont préféré affronter une mort tragique, le martyre dans la fournaise ardente.
Il s’agit de trois jeunes Hébreux, placés par l’auteur saint dans le contexte historique du règne de Nabuchodonosor, le terrible souverain babylonien qui anéantit la ville sainte de Jérusalem en 586 av. J.-C. et qui déporta les Israélites « au bord des fleuves de Babylone » (cf. Ps 136). Même face au danger le plus extrême, lorsque les flammes lèchent désormais leurs corps, ils trouvent la force de « chanter, glorifier et bénir Dieu », certains que le Seigneur de l’univers et de l’histoire ne les abandonnera pas à la mort et au néant.
2. L’auteur biblique, qui écrivait quelques siècles plus tard, évoque cet événement héroïque pour inciter ses contemporains à porter haut l’étendard de la foi au cours des persécutions des rois syro-hellénistiques du deuxième siècle av. J.-C. C’est précisément alors que l’on enregistre la réaction courageuse des Macchabées, qui combattent pour la liberté de la foi et de la tradition juive.
Le cantique, traditionnellement appelé « des trois enfants », est semblable à un flambeau qui dissipe les ténèbres du temps de l’oppression et de la persécution, une époque qui s’est souvent répétée au cours de l’histoire d’Israël et au cours même de l’histoire du christianisme. Et nous savons que le persécuteur n’assume pas toujours le visage violent et macabre de l’oppresseur, mais qu’il se complaît souvent à isoler le juste, au moyen de la dérision et de l’ironie, en lui demandant avec sarcasme: « Où est-il, ton Dieu? » (Ps 41, 4.11).
3. Dans la bénédiction que les trois enfants élèvent au Seigneur Tout-Puissant du creuset de leur épreuve, apparaissent toutes les créatures. Ils tissent une sorte de tapisserie multicolore où les astres brillent, les saisons se succèdent, les animaux s’animent, les anges se montrent et où, sutout, chantent les « serviteurs du Seigneur », les « saints » et les « humbles de coeur » (cf. Dn 3, 85.87).
Le passage qui a été tout d’abord proclamé précède cette magnifique évocation de toutes les créatures. Il constitue la première partie du Cantique, qui évoque en revanche la présence glorieuse du Seigneur, transcendant et pourtant proche. Oui, car Dieu est dans les cieux, où « il sonde les abîmes » (cf. 3, 55), mais il est également « dans le temple de sa sainte gloire » de Sion (cf. 3, 53). Il est assis « sur le trône de son Royaume » éternel et infini (cf. 3, 54), mais est également celui qui « siège sur les chérubins » (cf. 3, 55), dans l’arche de l’alliance placée dans le Saint des Saints du temple de Jérusalem.
4. Un Dieu situé au-dessus de nous, capable de nous sauver par sa puissance; mais également un Dieu proche de son peuple, parmi lequel il a voulu habiter dans le « temple de sa sainte gloire », manifestant ainsi son amour. Un amour qu’Il révélera en plénitude en faisant « demeurer parmi nous », son Fils Jésus-Christ « plein de grâce et de vérité » (cf. Jn 1, 14). Il révélera pleinement son amour en envoyant son Fils parmi nous pour partager en tout, hormis le péché, notre condition marquée par les épreuves, l’oppression, la solitude et la mort.
La louange des trois jeunes gens au Dieu Sauveur se poursuit de diverses façons dans l’Eglise. Par exemple, saint Clément Romain, au terme de son Épître aux Corinthiens, insère une longue prière de louange et de confiance, entièrement remplie de réminiscences bibliques et qui est peut-être l’écho de l’antique liturgie romaine. Il s’agit d’une prière de gratitude au Seigneur qui, malgré le triomphe apparent du mal, guide l’histoire à bon port.
5. En voici un passage:
« Tu ouvris les yeux de notre coeur (cf. Ep 1, 18)
afin que nous ne connaissions que toi (cf. Jn 17, 3)
très haut au plus haut des cieux
le Saint qui repose parmi les saints
qui met fin à l’arrogance des superbes (cf. Is 13, 11)
qui empêche les pensées des peuples (cf. Ps 32, 10)
qui relève les humbles
et abaisse les superbes (cf. Jb 5, 11).
Toi qui enrichis et appauvris
qui fais mourir et qui fais vivre (cf. Dt 32, 39)
le seul bienfaiteur des esprits
et Dieu de toute chair
qui sonde les abîmes (cf. Dn 3, 55)
qui observe les oeuvres humaines
qui secours les opprimés
et qui sauve les désespérés (cf. Jdt 9, 11)
créateur et gardien de tout esprit
qui multiplies les peuples sur la terre
et qui entre tous a choisi ceux qui t’aiment
au moyen de Jésus-Christ
ton Fils bien-aimé
à travers lequel tu nous a éduqués,
tu nous a sanctifiés et tu nous as honorés »
(Clément Romain, Epître aux Corinthiens, 59, 3:
Les Pères apostoliques, Rome 1976, pp. 88-89).
Catéchèse de Jean-Paul II sur la liturgie des heures
Mercredi 02 mai 2001
Le Cantique des Trois jeunes gens dans la fournaise que propose le livre du prophète Daniel « reflète » en quelque sorte « l´âme religieuse universelle », expliquait ce matin Jean-Paul II. A la lumière de la révélation chrétienne, il est une louange de la sainte Trinité, et il parle de la résurrection du Christ.
1. « Vous toutes, les œuvres du Seigneur, bénissez le Seigneur » (Dn 3,57). Un souffle cosmique traverse ce cantique tiré du livre de Daniel que la Liturgie des heures propose pour les laudes du dimanche de la première et de la troisième semaine. Et cette étonnante prière litanique correspond bien au Dies Domini, au Jour du Seigneur, qui nous fait contempler dans le Christ ressuscité le sommet du dessein de Dieu sur le cosmos et sur l´histoire. En lui en effet, alpha et oméga, principe et fin de l´histoire (cf. Ap 22,13), la création elle-même prend sens dans son accomplissement, puisque, comme le rappelle Jean dans le prologue de son évangile, « par lui tout a été fait » (Jn 1,3). La résurrection du Christ est le sommet de l´histoire du salut; elle ouvre l´histoire des hommes au don de l´Esprit et de l´adoption filiale, dans l´attente du retour de l´Epoux divin, qui remettra le monde au Père (cf. 1Co 15,24).
2. Dans ce passage litanique, toutes choses sont en quelque sorte passées en revue. Le regard se tourne vers le soleil, la lune, les astres; il s´arrête sur l´immense étendu des eaux, se lève vers les montagnes, s´attarde aux situations atmosphériques les plus diverses; passe du froid à la chaleur, de la lumière aux ténèbres; observe le monde minéral et le monde végétal, s´arrête aux différentes espèces animales. L´appel se fait ensuite universel: il fait appel aux anges de Dieu, rejoint tous les « fils de l´homme », mais implique de façon particulière le peuple de Dieu, Israël, ses prêtres, les justes. C´est un chœur immense, une symphonie où les différentes voix élèvent leur chant vers Dieu, le Créateur de l´univers, et le Seigneur de l´histoire. Récité à la lumière de la révélation chrétienne, il s´adresse au Dieu trinitaire, comme la liturgie nous invite à le faire en ajoutant au cantique une formule trinitaire: « Nous bénissons le Père et le Fils et l´Esprit Saint ».
3. En un certain sens, le cantique reflète l´âme religieuse universelle qui perçoit dans le monde la trace de Dieu, et s´élève jusqu´à la contemplation du Créateur. Mais dans le contexte du livre de Daniel, l´hymne se présente comme une action de grâce prononcée par les trois jeunes Israélites – Ananias, Azarias et Misaël – condamnés à mourir brûlés dans la fournaise, pour avoir refusé d´adorer la statue en or de Nabuchodonosor, mais préservés des flammes miraculeusement. En arrière-fond de cet événement, il y a cette histoire du salut spéciale dans laquelle Dieu choisit Israël comme son peuple et établit avec lui une alliance. C´est justement à une telle alliance que les trois jeunes Israélites veulent demeurer fidèles, au prix du martyre dans la fournaise ardente. Leur fidélité rencontre la fidélité de Dieu qui envoie un ange éloigner d´eux les flammes (cf. Dn 3,49).
De cette façon, le cantique s´inscrit dans la ligne des cantiques de louange de l´Ancien Testament pour avoir échappé à un péril. Parmi eux se trouve le chant de victoire du chapitre 15 de l´Exode, où les anciens Hébreux expriment leur reconnaissance au Seigneur pour cette nuit où ils auraient été inévitablement défaits par l´armée de Pharaon, si le Seigneur ne leur avait ouvert un chemin au milieu des eaux, en jetant « à la mer, cheval et cavalier » (Ex 15,1).
4. Ce n´est pas un hasard si, au cours de la solennelle veillée pascale, la liturgie nous fait chaque année répéter l´hymne chanté par les Israélites dans l´Exode. Cette route ouverte pour eux annonçait prophétiquement la nouvelle voie que le Christ ressuscité a inaugurée pour toute l´humanité la sainte nuit de sa résurrection d´entre les morts. Notre passage symbolique à travers les eaux du baptême nous permet de revivre une expérience analogue de passage de la mort à la vie, grâce à la victoire sur la mort remportée par Jésus pour notre bénéfice à tous.
En répétant dans la liturgie dominicale des laudes le cantique des trois jeunes Israélites, nous, disciples du Christ, nous voulons nous placer dans ce flot de gratitude pour les grandes œuvres opérées par Dieu dans la création et surtout dans le mystère pascal.
En effet, le Chrétien aperçoit un rapport entre la libération des trois jeunes gens dont parle le cantique, et la résurrection de Jésus. Dans cette dernière, les Actes des Apôtres voient l´exaucement de la prière du croyant qui, comme le psalmiste, chante avec confiance: « Tu n´abandonneras pas mon âme à la mort et tu ne laisseras pas ton Saint voir la corruption » (At 2, 27; Ps 15,10).
Le rapprochement de ce cantique avec la résurrection est très traditionnel. On trouve des témoignages très anciens de cet hymne dans la prière du Jour du Seigneur, Pâque hebdomadaire des Chrétiens. Les catacombes romaines conservent d´ailleurs des souvenirs iconographiques où l´on voit les trois jeunes gens prier, sains et saufs, dans la fournaise, témoignant ainsi de l´efficacité de la prière et de la certitude de l´intervention du Seigneur.
5. « Béni sois-tu, Seigneur, au firmament du ciel, gloire et louange à toi dans les siècles » (Dn 3,56). En chantant cet hymne le dimanche matin, le Chrétien éprouve de la reconnaissance non seulement pour le don de la création, mais aussi parce qu´il est le destinataire de la tendresse paternelle de Dieu, qui l´a élevé, dans le Christ, à la dignité de fils.
Une tendresse paternelle qui fait regarder avec des yeux neufs la création elle-même et en fait goûter la beauté, où l´on entrevoit, comme en filigrane, l´amour de Dieu. C´est avec ces mêmes sentiments que François d´Assise contemplait la création et élevait sa louange vers Dieu, ultime source de toute beauté. On imagine spontanément que les élévations de ce texte biblique trouvait en lui un écho alors qu´à San Damiano, après avoir touché les sommets de la souffrance dans son corps et dans son âme, il composa le « Cantique de frère soleil » (cf. Sources franciscaines, 263).
En voici quelques extraits :
Très Haut, tout puissant et bon Seigneur,
à toi louange, gloire, honneur, et toute bénédiction ;
à toi seul ils conviennent, Ô Très-Haut,
et nul homme n’est digne de te nommer.
Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures,
spécialement messire frère Soleil, par qui tu nous donnes le jour, la lumière ;
il est beau, rayonnant d’une grande splendeur,
et de toi, le Très Haut, il nous offre le symbole…
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Vent, et pour l’air et pour les nuages,
pour l’azur calme et tous les temps : grâce à eux tu maintiens en vie toutes les créatures.
Loué sois-tu, Seigneur, pour notre sœur Eau, qui est très utile et très humble, précieuse et chaste…
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terre, qui nous porte et nous nourrit, qui produit la diversité des fruits, avec les fleurs diaprées et les herbes.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour ceux qui pardonnent par amour pour toi ;
qui supportent épreuves et maladies :
heureux s’ils conservent la paix, car par toi, le Très Haut, ils seront couronnés…
Louez et bénissez mon Seigneur, rendez-lui grâce et servez-le en toute humilité.